Accueil > Faits > Les Etats qui ont répudié leurs dettes s’en sortent mieux

Les Etats qui ont répudié leurs dettes s’en sortent mieux

mercredi 26 septembre 2012, par Arturo

L’Argentine et l’Equateur montrent la voie à l’Europe pour se débarrasser
du fardeau de la dette, selon le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde.

« Oui, il est possible d’amener les insti-
tutions financières, les banques et les
puissants à accepter des solutions qu’ils
ne souhaitent pas », a martelé jeudi soir
Eric Toussaint, président du Comité
pour l’annulation de la dette du Tiers-
Monde (Cadtm), lors d’une conférence à
Genève. Et ce sont deux pays du Sud,
l’Argentine et l’Equateur, qui l’ont dé-
montré. Face à un endettement qui
étouffe les économies nationales, seule
une politique de rupture permet de sor-
tir de l’ornière, a-t-il argumenté. D’au-
tant plus qu’une grande partie de ces
dettes sont illégitimes, selon lui.
Aujourd’hui, en pleine crise dite
des « dettes souveraines », les pays eu-
ropéens pourraient s’en inspirer.
« L’Argentine a suspendu le paiement
de sa dette de 2001 à 2005. Et elle est
toujours en cessation de paiement vis-
à-vis du Club de Paris, le club des Etats
les plus riches, pour un montant de 6,5
milliards de dollars. On avait parlé de
représailles, il n’en est rien. Actuelle-
ment, l’Argentine fait même partie du
G20 et connaît un très fort taux de
croissance », a rappelé le chercheur.
Mais c’est surtout l’Equateur qui a
créé un précédent de taille en répudiant
plus de 75% de sa dette. Eric Toussaint
connaît d’autant mieux le dossier qu’il a
participé lui-même à l’audit de la dette
de l’Equateur, à l’invitation du gouver-
nement de ce pays. « Nous avons mené
une étude qui a démontré l’illégitimité
de la majeure partie de la dette. Le gou-
vernement a pu s’appuyer dessus en
juin 2009 pour forcer ses créanciers à
reprendre leurs titres diminués de trois
quarts de leur valeur ».

Sa collègue, Maria Lucia Fattorelli, co-
ordinatrice de l’organisation brésilien-
ne Auditoria cidadã da dívida, qui a
aussi fait partie de cette commission
d’audit en Equateur, a complété :
« L’Equateur a pourtant continué à
avoir accès à des crédits et à des inves-
tissements étrangers et se porte beau-
coup mieux ». Au Brésil, le gouverne-
ment n’a pour l’instant rien entrepris
de similaire. Cela n’a pas empêché les
citoyens de mener leur propre audit,
dans le but de conscientiser la popula-
tion : « Le Brésil est la sixième économie
du monde, mais n’est classé que 84ème
en matière de développement humain
par l’ONU. Nous avons pu établir que la
raison réside dans le système de la det-
te extérieure, initié dans les années
1970 pour nourrir la dictature, qui
consomme actuellement plus de 50%
des dépenses annuelles de l’Etat », a-t-
elle expliqué. Seule une mobilisation
citoyenne d’ampleur, s’appuyant sur
cet audit, pourrait forcer les autorités à
agir, ont estimé les deux orateurs,
comme cela s’est passé du reste dans
les deux pays précités.

Tout comme en Islande, autre
exemple mis en exergue, où les protes-
tations de la rue ont contraint le gou-
vernement
social-démocrate
à
rompre avec les milieux financiers.
« Confronté à l’effondrement de son
système bancaire en 2008, l’Islande a
répondu par le blocage complet des
mouvements des capitaux, les empê-
chant ainsi de s’échapper du pays, et
par la décision de n’indemniser que
les résidants islandais », a rappelé Eric
Toussaint. « Aujourd’hui, l’économie
se porte bien, l’Etat peut emprunter
sur le marché intérieur à des taux
d’intérêt de 3% en lieu et place des
17% qu’il payait avant la mesure ».

Un cas qui reste pourtant unique en
Europe. La Grèce avait néanmoins été
à deux doigts d’emprunter une voie si-
milaire après les grèves générales de
ce printemps. Le parti d’extrême
gauche Siriza a récolté 27% des suf-
frages aux dernières élections, juste
derrière le parti de droite Nouvelle dé-
mocratie, avec 30%, qui agitait le
spectre de la sortie de la Grèce de la
zone euro en cas de victoire de Siriza.
Conclusion d’Eric Toussaint : « Les
mobilisations restent dans le cadre
national en Europe. Or, nous sommes
confrontés à une politique globale à
l’échelle du continent. Il nous faut le
développement d’un véritable mou-
vement social européen pour faire
face ». Un rassemblement de la so-
ciété civile aura lieu à Florence du 8
au 11 novembre prochains, pour défi-
nir des stratégies d’actions dans ce
sens. CHRISTOPHE KOESSLER

Source : Le Courrier, 22 septembre 2012