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Sortie de crise, sortie de dette

mercredi 11 janvier 2012, par Arturo

La dette publique n’est pas le spectre bavant qu’évoquent les JT devant nos yeux agrandis par l’horreur. La plupart des états empruntent, y compris quand tout va bien : pour financer des investissements ou relancer l’économie, par exemple. Les progrès subséquents compensent alors les frais financiers, et l’on laisse aux « générations futures » une société plus prospère, plus humaine. Que l’on compare plutôt l’état à une entreprise, puisque c’est ainsi que veulent le gérer les fans de libéralisme. Aucun d’entre eux ne s’étonne qu’une entreprise utilise le crédit à bon escient pour se développer ou franchir un cap difficile. C’est la plupart du temps l’état constant des entreprises que d’être endettées, y compris celles qui réussissent le mieux.

Ainsi pouvons-nous être reconnaissants aux générations précédentes d’avoir équipé le pays en hôpitaux, écoles, chemin de fer, lignes téléphoniques, et le crédit qu’il y a fallu est-il largement payé par une population en bonne santé, éduquée, reliée, mobile. Encore un rideau de fumée à passer au ventilateur.

Pour achever ces préliminaires, soufflons aussi sur le nuage de la faillite de l’état : cela n’existe pas, tout bonnement. Faire faillite, c’est disparaître après que ses biens aient été vendus pour rembourser les créanciers. Or, si certains ne se gênent pas pour vendre les biens publics, pour privatiser tout ce qui peut l’être, cela n’a pas attendu le défaut de paiement, et surtout cela n’entraînera pas la disparition de l’état français. En cas de défaut, tout ce qui pourrait faire faillite, ce serait une banque pauvre et stupide, qui aurait tout misé sur la dette française et se retrouverait sans rien. Rassurons-nous, de tels spécimens ne courent pas les rues.

Une fois débarrassés de ces terreurs enfantines, le premier acte d’adulte face à une dette en croissance insupportable, est d’en déterminer l’origine. Cela révèlera qui en a profité.

Un exemple au hasard : la France. Son endettement croissant ne vient pas des dépenses sociales ou de service public. Par rapport à la richesse produite, celles-ci ont toutes baissé ces dernières années, ou se sont à peu près maintenues dans le meilleur des cas.

Ce qui a fortement augmenté, comme dans l’ensemble des pays développés (effet de mode ?), c’est la dépense fiscale : se priver des ressources fiscales apportées par les contribuables qui en ont le plus les moyens, particuliers comme entreprises. En effet, dans ce cas, une PME est traitée comme un membre de la classe moyenne, et taxée plutôt lourdement au regard de ses revenus. Cet argent-là, on peut dire qu’il est dépensé en pure perte pour l’intérêt général. Si ce genre de cadeaux créait de l’emploi, le pays rechercherait de la main d’oeuvre par tous les moyens, ce sont des files d’entrepreneurs que l’on verrait se ronger les ongles à Pôle Emploi.

Autre poste budgétaire gonflé à l’EPO : les intérêts de la dette. Celui-là est en pleine santé, et ses perspectives s’améliorent encore à mesure que pâlit le AAA. Son existence même est une aberration récente, je vous en parlais ici, mais il atteint déjà un seuil paradoxal qui met bien les choses en évidence : les seuls intérêts que nous avons déjà payés aux banques forment une somme comparable à tout ce que nous devons aujourd’hui. Autrement dit, sans cette décision, notre capacité d’endettement serait quasi-intacte.

Il existe donc une dette légitime, et une autre qui ne l’est pas. « La fonction d’un État au service de l’intérêt général ne peut pas être de vider les caisses publiques pour enrichir les riches en pure perte pour la collectivité. »

Le remboursement de cette dette illégitime doit donc être assumé par ceux qui en furent les bénéficiaires, et qui lui font produire de l’intérêt dans les paradis fiscaux depuis belle lurette. Poésie des coïncidences, c’est souvent à eux que nous le devons. Cela simplifiera les jeux d’écritures.

Ici vient le moment de dessiller nos yeux d’une autre croyance enfantine : La création de monnaie crée automatiquement la hausse des prix, puisque l’argent est moins rare il en faut plus pour échanger contre la même chose. Pour un élève de CM2, c’est plutôt bien raisonné, mais là encore un adulte est capable d’élargir le focus. Cette mécanique ne fonctionne que dans le cas où il est impossible d’accroître la production. Lorsque tout le monde est employé au maximum de sa productivité. Hum !… Ce risque-là, nous aimerions bien avoir à y faire face, non ? D’autant qu’en période de plein emploi, les salaires se portent bien, les dépenses sociales baissent (coût du chômage), les cotisations rentrent, etc…

Ainsi donc, reprenons à notre compte la phrase favorite du grand homme qui nous dirige :
« Pourquoi je me gênerais ? » et créons de la monnaie pour éponger la partie excessive de cette dette, qui demeure suffisamment légitime pour être remboursée. Il suffit ensuite de s’assurer que les banques à qui elle est remise l’utilisent bien pour offrir du crédit à l’économie. De toute manière, le contrôle des banques devra être une attitude constante, une sorte de principe de précaution. Les moyens existent, là aussi, mais ne mélangeons pas tout.

Voilà, ça, c’est fait. Il reste à stabiliser la situation, à s’organiser pour que tout ne recommence pas la prochaine fois qu’un groupe de spéculateurs à l’autre bout du monde se sentira pousser des ailes. C’est faisable aussi, au prix de quelques gros mots supplémentaires que nous nous épargnerons pour l’instant. Au fait, tout cela est contenu dans le programme du Front de Gauche, pour les impatients.

Source : Sortie de crise, sortie de dette (http://www.placeaupeuple2012.fr/sortie-de-crise-sortie-de-dette)